
Poligny est une petite ville jurassienne du Revermont, entre Lons le Saunier et Arbois.



En 1993, les Tosi sont à la recherche d'un nouvel atelier dont le seul vrai impératif est d'avoir une grande baie au nord afin de pouvoir juger, en lumière neutre, l'effet des couleurs.
C'est à Poligny qu'ils découvrent un bâtiment en mauvais état mais qui a encore fière allure. Il s'agit des anciens abattoirs de la ville, construits en 1864 et abandonnés en 1978. Devant la menace d'une éventuelle destruction, une association locale se charge de faire inscrire ces bâtiments à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.

Jacqueline et Bruno Tosi s'en portent acquéreurs et s'empressent de les restaurer.


Il ne nous reste plus qu'à pousser la porte de l'atelier.


M. Bruno Tosi, maître des lieux est à l'ouvrage sur un vitrail.

Après un rafraîchissement bienvenu, nous commençons la visite de l'atelier avec les commentaires et explications de notre hôte.
Le vitrail, ça a l'air tout simple: la matière, la lumière...
Une chose mystique qui passe par la fenêtre ...
La théorie, la technique, qu'est ce que c'est?
Mais, la matière, la lumière, voici la création !...
Il faut être humble devant la matière, soumis.Marc Chagall (1887-1985)
Pour bien comprendre le travail du créateur, montons avec lui jusqu'à la mezzanine située derrière la fameuse baie au nord.

C'est là que les artistes créent les dessins puis les maquettes de leurs œuvres.

Le dessin terminé, il faut colorer les différentes pièces qui vont composer le vitrail.

Les dimensions des tables de travail permettent d'appréhender des œuvres de grande ampleur.

Une bibliothèque bien pourvue met à la disposition des artistes une solide documentation.

Avant de descendre, en regardant la poutraison, on comprend le coup de cœur des verriers pour ce bâtiment.

En se penchant sur la barrière, on a un large aperçu de l'atelier où un stagiaire écoute les conseils avisés de Jacqueline Tosi.

Mais, on nous attend.

Le dessin est sur la table, Bruno invite Sylviane à choisir les nuances de verre qui nous seront nécessaires.

Ce choix se fait sur un nuancier. On dénombre 630 couleurs de verre. On recense seulement 10 verreries productrices de verres colorés dans le monde.

Le fournisseur principal du Triangle de verre est la verrerie de St-Just dans la Loire qui est même en mesure de fournir des verres spécialement colorés comme celui ci-dessous.

Puis l'on se rend au meuble de rangement afin de s'assurer que le verre est disponible.

Si c'est bien le cas, on commence par ébaucher quelques bandes de verre




qui seront ensuite découpées à la mesure du dessin.
A noter que le créateur a du s'assurer préalablement que son dessin soit compatible avec les impératifs de la coupe. Les outils sont prêts, au travail !

Seul le verre donne avec l'or, une idée du prix de la sagesse!Livre de Job 28,17
Tout à l'air simple, le verre se plie à la volonté de son maître sans cassure ni résistance. Un vrai miracle pour le vitrier amateur qui a essayé un jour de couper un malheureux carreau à angles droits.
Seulement voilà, Bruno Tosi, né à Étampes en 1955, mais Jurassien par son Père,
se rend à l'age de 11 ans à la Cathédrale de Chartres.
Ce fut le coup de foudre. Les célèbres vitraux bleus furent pour lui une révélation.
Très tôt, il s'initie au vitrail (dessin, histoire de l'art et technique du vitrail).
Il réalise sa première composition en 1974. A partir de 1979, il est Maître Verrier dans son propre atelier, en 1983 il est agréé par les Monuments Historiques pour faire de la restauration et habilité à former des apprentis.
Le vieil esprit des compagnons du Moyen Age est ainsi respecté:
Apprendre (ce sont les longues heures d'apprentissage)
Connaître (c'est la vie de création et de réalisation)
Transmettre (ce sont les heures consacrées à la formation des apprentis).
Sur une autre création, de Jacqueline celle-ci, on retrouve les mêmes gestes, la même précision.




Une fois toutes les pièces de verre découpées et répertoriées, il va falloir les assembler.
Disons brièvement qu'il existe plusieurs types d'assemblage du verre.
Le plomb est la plus courante,

Le béton permet de réaliser des dalles colorées
© Le Vitrail - techniques et création - Bruno Tosi - Fleurus Idées
Le fil de cuivre convient pour des œuvres style Tiffany

Le fusing (superposition de verres différents soumis à haute température qui entraîne la fusion partielle du verre dans un amalgame commun) permet lui des réalisations allégées.


Les différents morceaux de verre sont portés à 900° C au dessus d'une sorte de moule creux. Le verre se déforme sous son propre poids.


Voyons en détail la méthode la plus courante qui utilise des profilés de plomb.
Le profilé en "U" est utilisé pour réaliser le cadre extérieur du vitrail,
celui en "H" sert à assembler les pièces de verre entre elles.
Quelques outils nous attendent.
© Le Vitrail - techniques et création - Bruno Tosi - Fleurus Idées


Jacqueline présente le profilé sur le verre, et le coupe à la longueur nécessaire.


Avec des clous forgés (moins agressifs pour le verre que les clous traditionnels) Jacqueline bloque son ouvrage partiellement monté


Puis elle entoure de plomb la pièce suivante, et coupe le profilé et ainsi de suite, pièce par pièce.

Lorsque le panneau est terminé, Mme Tosi s'applique à décaper soigneusement le plomb au niveau des soudures à effectuer.

Puis, il faut maintenant faire chauffer le fer à souder. A l'aide d'une baguette formée d'un alliage de 40 % de plomb et de 60 % d'étain, Jacqueline va solidariser tous les morceaux de plomb du vitrail.

Un travail de patience, de précision et de propreté.



Il reste encore un autre secret de la technique du vitrail auquel notre Maître Verrier va nous initier, celui de la "grisaille"
La grisaille composée de poudre de verre et d'un oxyde métallique coloré, finement concassés est mélangée à du vinaigre de façon à pouvoir être étendue au pinceau. Ce procédé permet de dessiner sur le verre en utilisant différentes couleurs de grisaille. Successivement, chaque couleur sera cuite au four de façon à pénétrer le verre sur lequel elle est appliquée, et former un bloc homogène.
La grisaille permet d'obtenir ce genre de dessin.

Dans la restauration, Bruno Tosi est souvent confronté à ce type de travail. Voici une pièce originale cassée dans un vitrail à restaurer.

Le verrier va d'abord réaliser un pochoir en carton qui va lui permettre de dupliquer l'original autant de fois que nécessaire.
A gauche, l'œuvre originale, à droite le pochoir.

Puis avec le pinceau et une règle on complète le dessin.

Pour être Maître-Verrier, il faut aussi maîtriser le temps.
