A partir du XVIII siècle et même avant pour certains, tous les paysans du Haut-Jura ont recherché une activité annexe pour occuper les longues journées d'hiver où la ferme vivait en quasi autarcie.
Ce fut le cas des lapidaires, des tourneurs sur bois, des émailleurs, des mécaniciens qui après s'être occupé du bétail venaient s'asseoir à l'établi pour réaliser, souvent à la lueur de la lampe à pétrole, des travaux précis et minutieux qui apportaient un revenu supplémentaire au budget familial.
C'est ainsi que naquit ce savoir-faire Haut-Jurassien tant réputé.
A Longchaumois, les "Paysans-Ouvriers" se spécialisèrent dans la fabrication des pince-nez, binocles et autres lunettes.
En l'absence de cours d'eau dont on aurait utilisé la force motrice, l'outillage mis en oeuvre était souvent mu par des pédaliers ou marchepieds.
Monsieur Roger Prost-Romand et "Les amis des anciens monteurs de lunettes à domicile" ont reconstitué un ancien atelier utilisé par un de ces ouvriers-paysans.
Situé à Longchaumois (39) cet écomusée se situe au premier étage du bâtiment abritant la "Maison de la Flore", bâtiment qui appartenait à une ancienne fabrique de lunettes. La boucle est bouclée.
Il manque sur la photo le traditionnel fourneau à bois dans lequel on prélevait dans une marmite en fonte un peu de braises qui activées par un soufflet permettaient la trempe des petites pièces d'outillage.
Avec cet outillage, sans forme motrice extérieure, on réalisait ces différents articles.
Tous le savoir faire de l' artisan était nécessaire pour mettre en oeuvre ces outillages.
Parfois même il fallait innover et par conséquent inventer, pour augmenter la production (déjà, des cadences élevées pour survivre).
Sciage de la monture
Perçage ou alésage à l'aide d'un forêt mu par un archet,
Montage des branches
Rhabillage des branches
Décolletage et filetage des vis.
Une astuce des anciens pour souder.
Une lampe à pétrole dont on enlève momentanément le verre, une sorte de pipette qui permet à l'opérateur de souffler dans la flamme et ainsi de la renforcer à l'image d'un soufflet de forge. La température ainsi obtenue permet le brasage.
Puis, la fin de semaine étant arrivée, il est temps pour notre ouvrier-paysan de regrouper sa fabrication de la semaine et de se rendre chez son donneur d'ordre afin de se faire payer un salaire de misère lui permettant tout juste de survivre. Le patron ne se privera pas d'ailleurs d'invoquer les motifs les plus futiles pour différer ce paiement. Ces motifs pouvant aller de l'argument massu comme l'absence d'argent en caisse à l'instant précis jusqu'au défaut imaginaire relevé sur la production qui vient de lui être amenée.
Voici une monture produite à Longchaumois dans la première moitié du XIX siècle.
Je touve personnellement qu'elle n'est guère éloignée de la mode actuelle où dominent les nouvelles lunettes en titane. Et pourtant certains reprochent au Jura et aux Jurassiens d'être un peu en retard sur l'actualité !!!
Lorsque les montures étaient destinées à des lunettes de soleil, il arrivait que notre artisan monte lui-même les verres. Pour ce faire, il fallait découper le "béryl" (le verre teinté) à l'aide d'une pointe de diamant.
Puis une fois tracée, finir la découpe à l'aide d'une pince.
Il ne reste plus alors qu'à ébavurer le verre à la meule.
Sur une lunette métallique, on desserre le cercle de la monture, sur une lunette plastique, on dilate le cercle à la chaleur.
Arrivé au terme de cette démonstration, j'espère vous avoir résumé le plus fidèlement possible ce que fut la vie de notre hôte et de sa famille, à une période que l'on appela d'abord "La Belle Époque", peut être pas si belle que ça, puis à des instants plus glauques encore que furent les deux guerres mondiales.
Monsieur Prost-Romand est aujourd'hui plus qu'octogénaire, passionné de ce que fut sa vie professionnelle il n'hésite pas à la faire revivre tous les jours au rythme des visites de son écomusée.
Je voudrais ici, le remercier chaleureusement pour son accueil et avec son amicale autorisation vous faire part d'un petit livret qu'il a rédigé pour résumer sa vie de labeur. Ce petit opuscule dont vous trouvez ci-dessous le fac-similé est dédié à sa Maman.
Pour lire ce document, il vous faut cliquer une première fois, puis une deuxième fois sur la vignette correspondant à la page à lire, vous vous déplacerez ensuite dans le document à l'aide des ascenseurs.
Il s'agit là de contraintes imposées par ces outils géniaux que sont l'informatique et l'internet, pardonnons leurs ces manipulations supplémentaires. Longchaumois de 1800 à 1950Par Roger PROST-ROMAND
Rappelons pour mieux comprendre les tarifs ci-dessus qu'une grosse est égale à douze douzaines.
Pour visiter cet écomusée, il vous faut prendre rendez-vous avec M. Prost Romand, par téléphone,
24 heures à l'avance,
- le matin au 03 84 60 62 39
- l'après-midi au 03 84 60 66 94
La Maison de la flore
3 Rue Recrettes
39400 Longchaumois
Tél: 03 84 60 66 94
René JV pour monjura.actifforum.com, le 14 juin 2008
Photos: René JV - 12/06/2008
Longchaumois de 1800 à 1950 Roger Prost-Romand
mp3: Airs à faire fuir - Erik Satie Pour me faire part de vos observations, envoyez-moi un courriel à l’adresse ci-dessous
contact@lataniere39.com