Loup Blanc Administrateur

 Messages : 924 Age : 76 Lieu : Saint-Claude (Jura) Inscription : 31/05/2006
 | Sujet: Les Forges de Syam (39) Mar 15 Juil 2008 - 18:54 | |
| ,
Syam (39) est un petit village au confluent de la Saine et de l'Ain, à quelques kilomètres de Champagnole. (39)  Le bourg est célèbre pour deux sites incontournables et intimement liés, Les Forges et la Villa Palladienne. Cette dernière fut au XIX siècle la demeure du Maître des Forges. Je vous l'ai présentée à la rubrique "chateaux - musées - écomusées - patrimoine et curiosités. Vous pourrez retourner la visiter.  Intéressons-nous aujourd'hui aux forges créées en 1813 par la famille Jobez sur l'emplacement d'un ancien "martinet" idéalement placé au confluent des deux cours d'eau, il bénéficiait déjà d'une importante énergie hydraulique ce qui explique que l'entreprise disposa très tôt de l'électricité. "Otez l'idée de la Perfection,vous otez l'Enthousiasme!" Jean-Jacques Rousseau Le 15 juillet, rendez-vous est pris avec Monsieur Jean-Pierre Boulet, directeur de l'usine. Il nous explique: "Créées en 1813, Forges de Syam est une entreprise spécialisée dans le laminage à chaud, l'étirage à froid et le parachèvement par petits usinages pour la fabrication de profilés spéciaux sur plan, de plats, de carrés, ou d'hexagones en petites et grandes séries, de sections simples ou complexes. Notre processus permet également de répondre à toutes demandes de sections de 80 à 3000 mm², standard ou hors norme, dans une large gamme de nuances (construction, décolletage, aciers alliés, inox ou fer pur. Notre savoir faire et notre outil de production très souples sont parfaitement adaptés aux besoins des secteurs traditionnels (automobile, mécanique, machine-outil, textile ...) mais aussi, à ceux d'activités de pointe, plus spécifiques (armement, nucléaire, aéronautique). Notre entreprise est certifiée Iso 9001 - version 2000...."


Nous connaisons les buts, voyons les moyens et commençons la visite.



Les Forges reçoivent différents métaux (aciers courants, alliés ou inoxydables voire du fer pur) sous forme de billettes.

Ces billettes sont réchauffées jusqu'au jaune très brillant (750 à 800°) dans un four alimenté au propane depuis 1987. On a utilisé préalablement le charbon, le chauffeur responsable était le Maître du Feu, puis, en 1964, le chauffage au fuel mit fin à cette belle fonction.

Une fois en température, elles sont dirigées vers le laminoir.


Le "laminoir", nous touchons là le cœur de l'entreprise. Construit en 1901, c'est sans doute l'un des derniers petits laminoirs de la fin du XIX, début du XX siècle encore en activité en Europe.
Qu'est-ce qu'un laminoir? En simplifiant à l'extrème, on peut dire qu'il s'agit d'un mur de galets en acier très dur, de part et d'autre duquel des ouvriers introduisent la billette incandescente qui de galets en galets plus petits les uns que les autres déforment la matière jusqu'à obtenir le profilé désiré, dans la forme et la dimension.


C'est la technique du laminage à la pince.

Le laminoir est disposé perpendiculairement à l'atelier.


La billette arrive du four dans la goulotte à droite de l'image, elle est saisie par un ouvrier qui l'insère dans le premier jeu de galets,

de l'autre côté du laminoir un second ouvrier attend le métal

et le retourne immédiatement à l'envoyeur,

et ainsi de suite à travers des ouvertures de plus en plus petites et calibrées.





et enfin, le profil obtenu atteint sa dernière passe.




Pendant le laminage, un échantillon est prélevé.

Le chef d'atelier le mesure et s'assure de sa conformité au plan. Il s'agit là d'une ébauche de clef pour Vachette.

Mais ce pourrait être n'importe quel autre profil, des rails de portes palières d'ascenseur par exemple.



Les barres sont alors mises en attente de parachèvement,

ou d'expédition.

Si toutefois une barre était reconnue non conforme, elle serait immédiatement retirée de la fabrication,

cisaillée

et mise au rebut




Un autre savoir-faire des Forges de Syam, et non des moindres est la mâitrise du laminage et de l'étirage du fer pur.
Le fer pur est un métal issu de la fonte et dont la teneur en carbone est < à 0.01%, les autres composants ne doivent pas dépasser les valeurs suivantes: S (soufre) < 0.005 % Mn (manganèse) < 0.1 % P (phosphore) < 0.01% Cu (cuivre) < 0.03 % Ni (nickel) < 0.005 % Si (silicium) < 0.005 %.
La malléabilité du fer pur est exceptionnelle et rend son forgeage très facile. Il se calamine très peu, se soude à la forge sans apport extérieur, il s'auto protège par une fine couche d'oxyde et ne se corrode pas.

Au final, il donne un aspect naturel de patine très apprécié dans les milieux de l'art et de la restauration de prestige. Les grilles côté cour du Château de Versailles récemment restaurées ont fait appel au savoir faire des Forges de Syam.

Sorties du giron des descendants de la famille Jobez qui n'avaient pas investi un sou dans l'amélioration de leur outil de travail, les Forges appartiennent depuis 1976 au groupe industriel de l'Isère: Experton-Revollier qui exploite une autre unité à Domène, près de Grenoble.
Notre hôte, le directeur de l'entreprise, M. Jean-Pierre Boulet s'efforce de se positionner sur des marchés atypiques (les moutons à cinq pattes) en gros, ce que les plus gros ne veulent plus faire. Cette volonté conduit à un paradoxe étrange, malgré l'utilisation persistante d'un matériel technique archaïque, les Forges de Syam figurent parmi les entreprises les plus compétitives du secteur.
Tout récemment les Forges ont décroché le marché pour la réalisation des matrices des nouvelles plaques minéralogiques qui doivent commencer à être apposées en janvier 2009. L'usinage est aussi effectué à Syam.

L'entreprise s'est dotée d'un laboratoire de métallurgie particulièrement bien équipé.


Ce savoir faire, cette technique on ne peut plus manuelle s'acquiert sur le site, au sein de l'atelier suivant une tradition cent pour cent orale. Il y a le maître qui enseigne à l'élève et cela d'années en années.
A la création, en 1813, se posa très vite le problème de la main d’œuvre et de son recrutement. Or si la question est toujours d'actualité, imaginez Syam au tout début du XIX siècle, Napoléon 1er n'avait pas encore été défait à Waterloo. Pas de chemin de fer, pas d'électricité, une seule richesse l'énergie hydraulique.
C'est pourquoi, autour de cette fontaine érigée en 1885,

s'est construit une véritable cité des Forges à l'instar des phalanstères de l'utopiste Charles Fourier, un principe que l'on retrouve à Guise dans l'Aisne avec l'usine Godin.

L'ouvrier qui travaille aux Forges a droit à un logement pour lui et pour sa famille. Dans cette communauté de vie, les enfants vont et viennent librement entre leur logement et le lieu de travail de leurs Pères. Ils regardent, se familiarisent avec les bruits et les odeurs. Ils saisissent très vite les astuces, la précision des gestes, la chaleur des pièces, le froid des ateliers. Leurs Mères ne sont jamais très loin, elles aussi vivent en symbiose avec l'usine. Elles chauffent l'eau de leur lessive sur les billettes qui sortent du four. La fontaine est le point central de leur vie, alors que pour les hommes, c'est le café qui en tient lieu. Rappelons qu'en 1962, les logements ouvriers abritaient 109 personnes, un effectif identique à celui de 1921. Aujourd'hui les Forges emploient 40 salariés non résidants.


Un bureau de Poste intégré aux Forges en a fait leur orgueil, ainsi qu'une épicerie, non coopérative, ouverte sur place.


Avant de conclure, je voudrais remercier bien sincèrement Monsieur Boulet, le directeur du site, qui malgré un agenda particulièrement chargé, a bien voulu nous consacrer un peu de son temps pour que ce sujet soit le plus proche possible de la réalité, aussi bien sur le plan historique et technique que sur l'orientation qu'il entend donner à son entreprise.
Si au hasard de vos promenades vous avez l'occasion de passer par Syam, je vous invite à vous rendre compte par vous-mêmes en visitant cette entreprise hors normes.


René JV le 16 juillet 2008 Photos: René JV - 15 juillet 2008 Photos: Rémy JV - 15 juillet 2008 Vidéo: René et Rémy JV - 15/07/08 Toutes les photos sans logos de copyright nous ont été fournies par M. Jean-Pierre Boulet, Directeur de l'usine.
: Conquest of Paradise - Vangélis.

|
|