Venant de Genève, l'émail arrive à Morez vers la première moitié du XVIII siècle,
vers 1750, 1756 environ.
Sa première application sera la décoration des cadrans d'horloge, horloges dont la région assure une production importante. Vers 1850, à Morez, 18 sociétés horlogères produisent près de 60 000 mouvements par an. Il faut aussi rappeler que souvent l'horloger local qui vend l'horloge au particulier fait figurer son nom et sa résidence sur le cadran. Les détails sont communiqués à Morez lors de la commande.
A cette époque la réalisation des cadrans se faisait à domicile et constituait une seconde activité pour les paysans-artisans du Haut-Jura.
Vinrent ensuite, les "coeurs de cimetière", les noms de rue, les numéros de rue, les plaques publicitaires, les plaques professionnelles apposées aux entrées des immeubles, etc.
Puis, les objets de la vie courante étant tous d'une extrême banalité (parapluies tous noirs, vélos d'une gamme très restreinte, boîtes aux lettres, boutons de sonnette, etc.) il devint courant de les personnaliser par une petite plaque émaillée.
On peut dire que si l'apogée de l'émail se situa à Morez entre 1860 et 1880, il n'en demeure pas moins qu'en 1935, 400 personnes travaillaient encore à cette spécialité.
Aujourd'hui, quelques passionnés perpétuent cet art local.
Mais surtout, il faut préciser qu'un émailleur a fait évoluer son atelier vers une société de taille internationale; aujourd'hui, "Signaux Girod" à Bellefontaine (39), à quelques kilomètres de Morez, est devenu leader de la signalisation routière en particulier dont les panneaux sont constitués de tôle émaillée.
Mais patience, nous reviendrons sur ce sujet après une visite à cette entreprise.
Mais, qu'est-ce que l'émail?
Du verre tout simplement, disons un cristal plus affiné composé essentiellement de silice (du sable), de soude, de carbonate de potasse, de minium et de borax. On y ajoute suivant des formules très anciennes différents oxydes métalliques pour obtenir la teinte désirée (du cobalt pour le bleu, du fer pour le rouge,du cuivre et du chrome pour le vert, etc.).
On parvient ainsi à réaliser un nuancier qui reprend les couleurs de la norme RAL utilisée dans tout ce qui est traitement des couleurs (imprimerie, peinture, etc.).
Ces émaux sont appliqués sur deux sortes de supports suivant que l'on veuille obtenir un produit industriel ou artistique.
L'industrie utilise des plaques d'acier à très faible teneur en carbone;
les artisans bijoutiers utilisent eux, un support en cuivre.
Une obligation s'impose à tout émailleur, quel que soit son ouvrage, il doit impérativement cuire chaque dépôt d'émail, l'un après l'autre.
Ces opérations se font dans un four chauffé à 850°. Le temps de cuisson est de quelques minutes, il est plus court pour l'émail rouge.
Opération délicate, l'émail est fragile, le four est très chaud et lorsqu'il est ouvert, l'atmosphère est suffocante.
Jetons rapidement un oeil sur quelques oeuvres en cours dans l'atelier.
Un visage en cours de réalisation, le support en cuivre a été formé à la main suivant la technique du repoussage.
Maintenant que nous sommes plus aptes à comprendre les bases de cet art, essayons d'en saisir les subtilités au travers de quelques oeuvres exposées dans la galerie de la Maison de l'Email.
La collection personnelle de M. Coignoux nous propose de véritables merveilles.
Commençons par une miniature du XVII siècle. Là, le pinceau peut n'être formé que d'un seul poil.
N'oubliez pas la cuisson entre chaque couleur!
Icônes russes.
Une pièce réservée aux bijoux et à quelques réalisations particulières continue à susciter notre admiration.
Une exposition temporaire permet également d'apprécier quelques tableaux venus d'un peu partout, oeuvres d'émailleurs locaux, ou d'émailleurs ayant suivi les stages de formation institués par la Maison de l'Émail, ou tout simplement autodidactes.
Vous l'avez compris, il s'agit d'un art difficile, nécessitant beaucoup de temps et de minutie. Vous ne serez pas surpris de rencontrer sur les cimaises des oeuvres contemporaines proposées à la vente aux environs de 1200 € comme c'est le cas du tableau ci-dessus.
Un célèbre émailliste morézien, Charles Eugène Forestier ( 1904-1974) réalisa des oeuvres dont la cote atteint aujourd'hui des sommes plus conséquentes.